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Kaoss
18 juillet 2005

Voyage au bout de la nuit

Louis-Ferdinand Céline
(extrait)

On choisit "le voyage" dans le rayonnage comme on saisit un objet sacré. On ouvre, on lit au hasard. Et chaque extrait vous explique pourquoi c'est un monument.

La ville cache tant qu'elle peut ses foules de pieds sales dans ses longs égouts électriques. Ils ne reviendront à la surface que le dimanche. Alors, quand ils seront dehors, faudra pas se montrer. Un seul dimanche à les voir se distraire, ça suffirait à vous enlever pour toujours le goût de la rigolade. Autour du métro, près des bastions croustille, endémique, l'odeur des guerres qui traînent, des relents de villages mi-brûlés, des révolutions qui avortent, des commerces en faillite. Les chiffoniers de la zone brûlent depuis des saisons les mêmes petits tas humides dans les fossés à contre-vent. C'est des barbares à la manque ces biffins pleins de litrons et de fatigue. Ils vont tousser au Dispensaire d'à côté, au lieu de balancer les tramway dans les glacis et d'aller pisser dans l'octroi un bon coup. Plus de sang. Pas d'histoire. Quand la guerre elle reviendra, la prochaine, ils feront encore une fois fortune à vendre des peaux de rat, de la cocaïne et des masques en tôle ondulée.

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